mentions spécifiques
Molière donne comme sous-titre à Tartuffe, «L’Imposteur». Depuis, le personnage est le modèle du faux dévot, le représentant du zèle et du fanatisme religieux hypocrite, un porc lubrique, un truand de la luxure. Mais d’après le metteur en scène franco-belge Yves Beaunesne, la pièce risque de se transformer en objet de musée destiné au divertissement, ayant perdu toute capacité à nous toucher.
Dans sa nouvelle création, à laquelle participe Marja-Leena Junker, Yves Beaunesne, habitué des scènes des Théâtres de la Ville, aborde la pièce non à partir de l’hypocrisie, mais à partir du pouvoir de fascination qu’exercent certains êtres auxquels nous ne pouvons pas résister, quand bien même nous pressentons qu’ils feront pleuvoir sur nous une tempête d’égarements.
Beaunesne, connu pour réinvestir de façon originale les classiques du théâtre français, montre un Tartuffe à qui il est impossible de faire d’emblée le procès de la sincérité: c’est juste un homme fou amoureux d’Elmire, accueilli sous le toit d’Orgon, avec tous les traits de l’amabilité et de l’honnêteté.
Il faut percevoir, sous l’âcre récit de Molière revu ici 400 ans après la naissance du poète, une longue faim de vivre, autant chez Tartuffe que dans la famille d’Orgon. Nous pouvons les comprendre, surtout à une époque où tout semble nous inviter à vivre à petits feux, de petites faims en petits désirs.